SICILE : Catane, Taormina et l’Etna

Les Grecs l’appelaient « Trinacria », la terre aux trois pointes représentée allégoriquement par cette gorgone aux trois membres qui en est le symbole. Elle possède aussi trois mers (Mer Tyrrhénienne, Mer Ionienne et Mer Méditerranée) et trois montagnes. La Sicile faisait jadis partie du continent Italien : elle en fut détachée il y a 600.000 ans suite à de terribles séismes ! Le Détroit de Messine, avec ses 3 kilomètres, sépare l’île du continent. Il y a des décennies qu’il est question d’un pont entre Calabre et Sicile… Selon la légende, c’est à cet endroit que les monstres Charybde et Scylla bloquèrent la route du valeureux Ulysse !

Avec ses 25.706 km2 et ses 1.100 km de côtes, la Sicile est la plus grande île de la Méditerranée et la plus peuplée aussi avec plus de 5 millions d’habitants. Platon, en 388 Avant J.C. déclarait déjà que : « Les peuples se pressaient sur ses côtes comme des grenouilles autour d’un étang ». Toutes les civilisations se sont succédé en Sicile : Phéniciens, Grecs, Romains, Byzantins, Sarrasins, Normands, Espagnols, Bourbons… l’ont successivement envahie ! La Sicile est divisée en 9 provinces : Messine, Catane, Syracuse, Raguse, Agrigente, Caltanissetta,  Enna, Palerme et Trapani. Les 5 premières situées à l’Est et au Sud-Est et les autres au Centre et à l’Ouest de l’île.

Récit de voyage en Sicile – 1885 – édité dans « La Vie Errante » : « La Sicile a eu le bonheur d’être possédée, tour à tour, par des peuples féconds, venus tantôt du nord et tantôt du sud, qui ont couvert son territoire d’oeuvres infiniment diverses, où se mêlent, d’une façon inattendue et charmante,  les influences les plus contraires. De là est né un art spécial, inconnu ailleurs, où domine l’influence arabe, au milieu des souvenirs grecs et même égyptiens, où les sévérités du style gothique apporté par les Normands sont tempérées par la science admirable de l’ornementation et de la décoration byzantines… Quand on a vu tous ces monuments qui ont, bien qu’appartenant à des époques et à des genres différents, un même caractère, une même nature, on peut dire qu’ils ne sont ni gothiques, ni arabes, ni byzantins, mais siciliens, on peut affirmer qu’il existe un art sicilien et un style sicilien, toujours reconnaissable, et qui est assurément le plus charmant, le plus varié, le plus coloré et le plus rempli d’imagination de tous les styles d’architecture ».

Catane, voisine de l’ardent Typhée

Catane est trop voisine de l’ardent Typhée (Etna) disait Silius Italicus au 1er siècle après J.C. C’est la seconde ville de Sicile appelée « Milan du Sud » à cause de son dynamisme économique. On aperçoit l’Etna (l’un des plus populaires pôles touristiques de l’Italie) en perspective de la rue principale… Via Etna ! La cité fut entièrement détruite plusieurs fois par son éruption ou des tremblements de terre dont le plus meurtrier en 1693.

Il faut voir la Piazza del Duomo avec au centre le petit éléphant de lave, emblême de la ville qui supporte un obélisque égyptien. La Fontaine dell’Elefante a été réalisée en 1736 par Vaccarini imitant l’Elefante della Minerva du Bernin à Rome. L’éléphant en lave est appelé « u Liotru » identifiant la sculpture à un magicien byzantin, Eliodoro qui vécut à Catane vers 725 Après J.C. Le lien entre Catane et l’éléphant est ancien. Une légende raconte l’histoire d’un éléphant qui a chassé des animaux sauvages au cours de sa fondation par les Grecs… Sous la domination arabe, la ville était connue sous le nom de ”Balad el-Fil” ou ”Medinat el-Fil” qui signifie “Ville de l’éléphant”… C’est le symbole officiel depuis… 1239 !

A ne pas manquer : La Fontaine dell’Amenano (Notre Photo) de Tito Angelini (1867) appelée par les Catanais « L’acqua o linzolu » (l’eau au drap) ; La Piazza Mazzini, la Porta Garibaldi, le Castello Ursino aux tours cylindriques ; Le Théâtre Antique (Le Théâtre Romain se trouve Via Vittorio Emanuele, près de la Piazza del Duomo : la scène est orientée au sud, le public tournant le dos à l’Etna… La maison natale du musicien Vincenzo Bellini créateur de l’opéra « La Norma » mort prématurément  à Paris (1835) à l’âge de 34 ans. Le Teatro Massimo Bellini fut construit par Carlo Sada – inspiré par l’Opéra Garnier de Paris – Son inauguration eut lieu le 31 Mai 1890 avec la représentation de « La Norma ». Le Museo Bellini est à l’intérieur du Palais Gravina près de la Piazza San Francesco. On y trouve une intéressante évocation de la vie éphémère du musicien.

Très populaires aussi en Sicile : les «  Pupi » , des marionnettes de fer et de bois pouvant peser jusqu’à 14 kilos inventées au 16ème siècle. Développées vers 1860 par un Sicilien, Giusti Lo Dico, elles recréent l’épopée médiévale de Charlemagne, Olivier et Roland. “L’Opera dei Pupi” est inscrite depuis 2008 sur la liste du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité par l’Unesco. Richement décorées et finement ciselées, avec une structure en bois, les marionnettes avaient des véritables cuirasses et les techniques de manipulations variaient selon l’appartenance à l’école de Palerme ou de Catane. Aujourd’hui, seules survivent quelques troupes qui cherchent à maintenir la tradition.

L’Etna, le plus grand volcan d’Europe

Avec ses 3.345 mètres d’altitude et 165 km de périmètre, l’Etna est le plus grand volcan d’Europe. Il tire son nom du grec « Aitho » signifiant « Qui brûle ». C’est à la fois une menace permanente et une source de richesse à cause de la fertilité de ses pentes où s’étend un généreux vignoble. Plus de 135 éruptions meurtrières ont été enregistrées depuis l’Antiquité… Son activité demeure ininterrompue et les vulcanologues du monde entier le surveillent en permanence !

De tous temps, les hommes ont mêlé terreur et adoration face au « maître des entrailles tumultueuses de la terre ». La mythologie fit de lui la demeure des géants Typhon et Encelade ou encore celle de Vulcain. L’excursion au sommet de l’Etna est mythique : déjà l’Empereur Hadrien l’avait gravi pour assister au lever du soleil ! Les cabines téléphériques « Funivia » amènent les touristes à une station intermédiaire à 2900 mètres au-dessus de l’ancien refuge « La Torre del Philosopho » aujourd’hui entièrement recouvert de cendres. Cette tour du philosophe doit son nom à Empédocle qui, suivant la légende, se serait jeté dans la bouche du volcan laissant une sandale au bord du cratère ! Pour abonder dans le sens « magique », le guide vous dira qu’au cours d’une des dernières éruptions, un couvent a été miraculeusement épargné par la coulée de lave qui s’est séparée en deux en arrivant sur l’édifice ; il vous dira aussi que la lave a contourné mystérieusement (sans l’ensevelir !) une croix… Les Siciliens ont la foi intacte…

… Le panorama est inoubliable : tous ces cratères fumants, cette odeur de soufre… La vallée fertile aux pieds du géant et Catana qui sursaute à ses moindres caprices… Comme dit Alexandre Dumas : « … Autour de soi, la Sicile tout entière, vue à vol d’oiseau, avec son rivage dentelé de caps, de promontoires, de ports, de criques et de rades… Enfin, le cratère immense, mugissant, plein de flammes et de fumée ; sur sa tête le ciel , sous ses pieds l’enfer… J’admirais entièrement, sans restriction… » Pindare : « Du mont sortent, vomies par ses abîmes, les sources les plus pures du feu inabordable, et pendant le jour ces torrents répandent un flot de fumée ardente ; mais dans les ténèbres, une flamme rouge roule et entraîne jusqu’aux profondeurs de la plaine marine des blocs de roche, avec fracas ».

Notre courte balade a eu pour cadre les Monts Sartorius (Refuge Citelli), sept cônes volcaniques nés de la violente éruption de 1865. Le guide (Notre photo) nous montre les bombes éjectées du volcan qui prennent la forme de roches ovales…

Taormina, la Belle…

Sur son éperon rocheux, Taormina est un balcon sur la mer. Haut lieu de l’époque romantique, Taormina reçut Anatole France, Brahms, Maupassant, Christian Dior ou encore Goethe qui considérait Taormina comme : « Un morceau de paradis sur la terre » … A la fin du 19ème siècle et au début du 20ème, Taormina accueillit aussi toute une Europe libertine et homosexuelle avec, pour chef de file, le photographe prussien Von Gloeden dont les clichés d’éphèbes bergers dénudés hantent encore les présentoirs de cartes postales. L’Hôtel mythique « San Domenico » installé dans un ancien couvent du 15ème siècle depuis 1896, fait partie des palaces du monde ! La Porte de Messine ouvre sur la Piazza Vittorio Emmanuele au-dessus de laquelle s’élève le Palazzo Corvaia. A voir : le Théâtre Grec qui accueille un Festival d’Art en été.