CHARENTE MARITIME : ROCHEFORT CELEBRE PIERRE LOTI
Cette année, la « ville arsenal » honore le centenaire de la disparition de l’écrivain voyageur Pierre Loti. L’occasion de se pencher sur les joyaux du patrimoine rochefortais.
Marin, artiste, voyageur, homme de lettres, Pierre Loti est un personnage à multiples facettes. Celui qui a ravi la place à l’Académie Française à Emile Zola, a vu le jour en 1850 à Rochefort-sur-Mer. De son vrai nom, Julien Viaud, le petit dernier d’une famille protestante, s’aménage un petit cabinet de curiosités, dans la demeure familiale de Rochefort. Enfant, il voyage déjà en rêves, sur les traces du frère ainé chirurgien de marine. En octobre 1867, il entre à l’Ecole navale. Et passe une première année à bord du ponton école Borda. Fin 1869, à bord du bateau école à hélice Jean-Bart, il découvre Alger puis l’Amérique du Sud. En 1871, il embarque à Valparaiso sur le navire amiral, la frégate mixte Flore qui fait route vers Tahiti. Pas de doute, la marine lui donne une formidable chance de sillonner les mers et les océans. La liste des bateaux sur lesquels cet officier de marine a embarqué pendant 42 ans ressemble à un inventaire à la Prévert.
Malgré ses innombrables explorations, la maison familiale de Rochefort reste son point d’ancrage sa vie durant. Au bout du monde, Loti aspire à se retrouver chez lui. Et quand il y réside, il rêve du bout du monde. « J’ai la nostalgie d’ici et d’ailleurs, je voudrais être là-bas et ici » note Loti dans son Journal (11 avril 1892).
LA « MAISON MONDE » PIERRE LOTI EN COURS DE RESTAURATION
Aménagée par l’écrivain-voyageur tout au long de sa vie entre le 19ème et le 20ème siècle, la maison d’enfance de Pierre Loti est classée monument historique et labellisée Musée de France pour les collections qu’elle abrite. Mais en raison de son état avancé de vétusté, la maison-musée a dû être fermée au public en 2012. Le chantier comprend certes la restauration de la maison historique, mais aussi celle des collections labellisées. La salle Renaissance par exemple, qui accueillait les grandes fêtes de l’écrivain, fait l’objet d’une restauration globale : structure, plafond à caissons, décors de plâtre, boiseries et autres tentures et vitraux. Reportées, l’inauguration et la réouverture au public sont programmées pour fin 2024 ou début 2025. Le budget global est conséquent. Et surtout on peine à trouver des restaurateurs pour la totalité des collections estimée à plus de 3.000 pièces diverses et variées : meubles, toiles, tapisseries, livres, collection d’armes et d’objets métalliques, pierreries, soieries, plumes…
En attendant la réouverture de l’iconique bâtisse, pour découvrir cet auteur-aventurier, visitez au musée Hèbre la salle d’exposition permanente expliquant la vie de Loti à partir de collections issues de sa « maison-monde ». Et surtout assistez dans un espace de projection, à une visite guidée en 3D de cette demeure où chaque pièce propose une ambiance géographique ou historique différente : chambres chinoise, turque, arabe. Pendant près d’une heure, un guide conférencier de ce musée municipal, présent sur place, commente cette visite et répond aux questions du public. Une belle opportunité pour cerner ce personnage extravagant, qui a vécu plusieurs vie en une, à la manière d’un comédien. Et si vous souhaitez participer financièrement à cette restauration tout en défiscalisant votre don, la Fondation du Patrimoine a une souscription en cours.
UNE VILLE ARSENAL
En 1666, Colbert, 1er ministre de la marine de Louis XIV décide de créer à Rochefort une ville pour la marine. L’arsenal est implanté au fond de l’estuaire de la Charente, au cœur d’un marais qui le protège de toute attaque par voie de terre. Entre 1666 et 1927, des milliers d’hommes ont fabriqué et entretenu des navires de guerre, développé des filières de métiers, édifié des ateliers, magasins, fonderie, forge, cales de construction, formes de radoub, des hôpitaux. Et même un bagne. Dans ce port d’estuaire, la mer ne se trouve qu’à 10 km à vol d’oiseau.
Dans cette ville née par la marine, il a fallu absolument penser à la restauration et à la reconversion des vastes bâtiments, laissés vacants lors de la fermeture de l’arsenal.
A commencer par la Corderie royale (374m de long) construite sur un radeau en bois de chêne, dans ce secteur marécageux. A la fin du 17ème siècle, c’est la plus longue de France et même d’Europe. A partir du chanvre, on y fabrique des cordages nécessaires aux bateaux à voile de la marine de guerre. Il en faut 40 km pour équiper un grand vaisseau.
Transformée aujourd’hui en musée, ce bâtiment arbore ses pierres de taille en calcaire blanc, son toit de style Mansart en ardoise et tuiles romanes. La visite de ce fleuron de l’architecture préindustrielle démarre par un film de 15 minutes de présentation de l’histoire de la corderie. Spectacle interactif, ateliers de filage, de commettage et de matelotage, ravissent les visiteurs.
Autre passage obligé des touristes : l’ancienne école de médecine navale. Sous Louis XIV, les chirurgiens de la Marine sont des officiers de santé. Pour diminuer la mortalité qui règne à bord des navires du Roi alors qu’on peine déjà à recruter des équipages, la nécessité d’une pédagogie s’impose. En 1722, une école voit le jour à Rochefort. C’est la première au monde de ce genre. D’ailleurs elle servira de modèle à l’école de Toulon (1725) et à celle de Brest (1731). En 1765, elle s’installe dans un pavillon de l’hôpital de la Marine. Au XIX°, elle devient un pôle scientifique siècle.
Désormais administrée par le musée national de la Marine, elle se développe sur trois niveaux. Au rez-de-chaussée, les fonctions d’autorité et de représentation : la salle des actes utilisée à l’époque pour les travaux de dissection et les cours d’anatomie. A coté, la salle du conseil avec ses vitrines courbes de 1788 abritant des ouvrages et des collections médicales. Au 1er étage, une superbe bibliothèque riche de 25.000 volumes. Les confiscations de collections privées pendant la période révolutionnaire augmentent le fonds initial, avec l’apport, notamment, d’incunables, précieux ouvrages antérieurs à 1500.
Au 2ème étage, la majeure partie des collections, dans un espace désigné sous le nom de musée, au XIX° siècle : anatomie et pathologie humaines, chirurgie, anatomie comparée, zoologie, pharmacie et botanique, géologie et même ethnologie. En fonction de leur sensibilité, les visiteurs apprécieront ces riches collections.
Avec sa double labellisation – ville d’art et d’histoire, et grand site de France- la ville de Rochefort reste une étape incontournable en Charente-Maritime. Station thermale reconnue, cette cité maritime ouvre une porte sur l’estuaire de la Charente enjambé par le tout dernier Pont Transbordeur de France, l’océan et ses îles Aix et Madame.
L’année Loti 2023 à Rochefort
Outre des spectacles vivants, des conférences et des visites, la cité natale de l’écrivain voyageur organise du 9 au 11 juin 2023, un événement phare mêlant théâtre, danse, musiques, contes et illuminations. A quoi s’ajoutent toute une série d’expositions. Voici les principales :
Jusqu’au 31 décembre au Musée Hèbre : Un collège nommé Pierre Loti. Gros plan sur l’histoire du collège qui a vu passer sur ses bancs, l’écrivain, académicien et marin Pierre Loti. Et à la Corderie Royale-Centre International de la Mer : Pierre Loti, arpenter l’intervalle : Jean-Michel Alberola a invité neuf artistes trentenaires à se confronter à l’univers de Loti et nous en livrer leur perception.
Du 10 juin au 30 septembre – Musée Hèbre : Le voyage de la flore dans le Pacifique en 1872 : Cette exposition évoque le premier voyage du jeune aspirant de marine, en plein Pacifique. Il visite l’île de Pâques, les Marquises et Tahiti. Et fait ses débuts en littérature, avec des textes et des dessins publiés dans la revue L’Illustration. A l’issue de ce voyage, il publiera l’un de ses plus célèbres romans, Le Mariage de Loti (1880).
Du 12 juillet au 31 décembre – Ancienne École de Médecine Navale et Musée National de la Marine : Pierre Loti et Gustave Viaud, deux frères unis par la mer : Coup de projecteur sur le parcours de Gustave Viaud, chirurgien de Marine et frère aîné de Pierre Loti : de sa formation à l’École de médecine navale de Rochefort à ses missions à Tahiti et en Cochinchine (ancienne École de Médecine Navale). Au fil de ses navigations sur toutes les mers du globe, Julien Viaud, alias Pierre Loti, se forge une solide carrière de marin. Du 15 septembre – 31 décembre : Médiathèque Erik Orsenna : Planète Loti. Grâce à des objets, documents et manuscrits rares conservés par la médiathèque et les musées cette exposition transportera le visiteur dans la « Lotimania ».
Carnet de route
A Rochefort, deux spacieux monuments historiques du 17ème siècle de l’Arsenal ont été reconvertis en résidence ou en hôtel .
- Tout près du port de plaisance, la Résidence de l’Arsenal Royal, classée 3 étoiles s’étale dans le magasin aux vivres. Au total 80 appartements spacieux et confortables, à louer à la nuitée ou à la semaine. Dans la partie voutée de ce vaste ensemble, la Pièce à Café propose des petits-déjeuners, brunchs, déjeuners, offres apéritives et diners. Quant à l’établissement Vivre[s] du chef Grégory Coutanceau, il dispose d’un bar à vins, d’un restaurant bistronomique et surtout d’un roof top avec une superbe vue.
- Face à la Charente et tout près de la Corderie, l’Hôtel Mercure classé 4 étoiles s’est installé dans l’Armurerie. Les 51 chambres et les salons se parent de bleu marine, rouge et doré qui représentent le code couleur de l’uniforme des officiers de la Marine Royale. Les fresques à la réception, dans les chambres et au restaurant sont à l’image des paysages découverts par les navigateurs partis de Rochefort vers le nouveau monde. Le chaleureux restaurant de cet hôtel se prolonge par une véranda et une terrasse donnant sur l’embarcadère pour se rendre à l’ile d’Aix.
- Le concept store rochefortais
En ville, une caserne d’Aliba animée par Erika Bienabé, spécialisée dans le patrimoine local et créatrice de la marque de décoration Collection Ouest . Pour vous amener dans l’univers de Loti, elle signe une collection spécifique. Et notamment un planisphère (75cm sur 90 cm) reprenant ses périples et ses romans (Voir photo de tête). Une invitation aux voyages !
*** Merci à Cécile Cailhol de Rochefort-Océan pour sa précieuse aide.
Texte de Martine Denoune / Photos : Martine Denoune, Rochefort-Océan et Erika Bienabé © Avril 2023