Et si Nice avait inventé le tourisme ?
Reportage Texte & Photos : Dany Antonetti © Novembre 2023
« Quand j’ai compris que chaque matin je reverrai cette lumière,
je ne pouvais croire à mon bonheur » (Henri Matisse / 1917)
La Promenade des Anglais ? Tout le monde a déjà entendu parler de la mythique avenue niçoise du front de mer… Mais pourquoi les Anglais ? En fait, c’est eux qui à partir du 18ème siècle viennent se réchauffer au soleil d’hiver de la Côte d’Azur échappant aux frimas de leur île… Ici, ils pratiquent une migration chic et heureuse faisant bâtir leurs résidences… d’hiver ! Auraient-ils inventé le tourisme ces précurseurs de la Dolce Vita ? A Nice, on l’affirme ! Un slow tourisme, comme on dit aujourd’hui, mettant en exergue tous les atouts de ce coin de Méditerranée béni des dieux… Nice qui fut alors un jardin est en train de le redevenir grâce à de grands travaux d’urbanisation. Au cours d’un week-end nous avons pu en apprécier quelques exemples…
Christian Estrosi : « Redonner à Nice sa renommée de « ville-jardin »
« Des rives de la Méditerranée aux sommets du Mercantour à 3.200 mètres d’altitude, l’histoire de Nice, à la fois enracinée et ouverte, méditerranéenne et alpine, européenne et cosmopolite, a produit une architecture et un paysage uniques, un modèle pour un grand nombre d’autres villes du monde » explique Christian Estrosi, Maire de Nice, qui nous reçoit dans le cadre de l’Assemblée Générale de l’Association des Journalistes de Tourisme (AJT). Vous êtes les spécialistes du tourisme sous toutes ses formes et je suis très heureux de vous accueillir et de savoir que c’est chez nous que vous allez débattre autour de votre profession…. A Nice, nous avons choisi un tourisme environnemental mettant l’accent sur la culture et l’art de vivre. Notre politique événementielle est très ciblée. En reconstituant la « ville-jardin » du début du 20ème siècle, nous avons pu entrer dans le Patrimoine de l’Humanité de l’Unesco en 2021 en qualité de “Ville de la villégiature d’hiver de la Rivera”… Le tourisme a été inventé ici, il y a deux siècles dans cette ville de garnison »… Le projet est de redonner à Nice un tourisme « choisi » qui s’inscrit dans l’avenir grâce à de nombreux aménagements comme celui de la « Promenade du Paillon ». Le concept (imaginé depuis 2008) sera achevé fin 2025 juste à temps pour accueillir dans le nouveau Centre de Congrès le « Ocean Summit » conférence des Nations Unies sur les Océans. Par ailleurs, côté événementiel, Nice recevra l’arrivée du Tour de France cycliste le 21 Juillet 2024 : la course ne se terminera pas sur les Champs-Elysées mais sur la Promenade des Anglais !
Le Musée de Préhistoire de « Terra Amata » : 400.000 ans de présence humaine
Au Musée Terra Amata (Terre Aimée) nous sommes accueillis par Jonathan Lamia, médiateur culturel mais aussi historien et archéologue : « Le Musée Municipal de Paléontologie Humaine de Terra Amata a été ouvert, dit-il, en 1976 sur le chantier de fouilles qui mirent à jour les premières traces de la domestication du feu dans le monde il y a 400.000 ans. Il propose de découvrir la vie des premiers niçois grâce à 100.000 objets extraits de ces fouilles ! Nos pièces les plus insolites : une empreinte de pied et cette dent d’enfant datée de 380.000 ans, seul vestige humain attribué à l’Homo erectus européen ! Les enfants sont très attirés par nos récits et nous essayons de les initier de façon ludique à faire connaissance avec ces si lointains ancêtres… Nous avons aussi des chercheurs qui viennent étudier les objets identifiés dans les 2173 tiroirs de la salle du même nom ! ». Depuis plus de dix ans, un programme de publication de la monographie du site a été mise en place sous la direction du professeur Henry de Lumley afin d’éditer un tome tous les deux ans.
Le Musée d’Archéologie de Nice Cimiez
Le Musée d’archéologie « Nice-Cimiez » à ciel ouvert, est situé sur les ruines de la cité antique romaine, Cemenelum, Via Giulia Augusta. Le site archéologique majeur présente les vestiges de trois ensembles thermaux complets (1er au 3ème siècle), des rues, un quartier d’habitation avec ses boutiques, ainsi qu’un amphithéâtre. S’y trouve également un ensemble paléochrétien constitué d’une cathédrale et d’un baptistère. Les vestiges ne représentent que 10% de la ville dont tout le reste est demeuré enfoui sous les immeubles ! Cimiez fut peuplée jusqu’au 6ème siècle puis laissa sa place à Nice.
Sous le tramway… la Crypte !
La Crypte archéologique, sous la place Garibaldi, fut découverte fortuitement lors du percement des travaux pour le tramway. Le site est classée au titre des Monuments Historiques depuis 2012. Ce fut le 2ème plus gros chantier de fouilles souterraines après le Louvre mettant à jour les fondations des fortifications de la ville ancienne. D’une conservation exceptionnelle, les vestiges retracent 700 ans d’histoire sur 2 000 m2.
Nice Baroque : Le Palais Lascaris
Arrêt obligatoire dans le Vieux Nice (15, Rue Droite) pour visiter ce joyau du baroque civil de 1648. Cette demeure aristocratique est le seul témoignage de la noblesse niçoise baroque du 17ème siècle. Le palais a été édifié pour Jean-Baptiste Lascaris (1600-1650), seigneur de Castellar, maréchal de camp du duc de Savoie, descendant des comtes de Vintimille. La devise familiale : « Nec me fulgura » (Même la foudre ne me tue pas !). La ville de Nice a racheté le Palais dans les années 50. Outre l’étage « noble » au somptueux décor, on y trouve une importante collection d’instruments de musique (environ 500 pièces) qui s’avère être la deuxième de France et l’une des plus importantes d’Europe. C’est un rare et précieux témoignage des goûts musicaux de la grande bourgeoisie niçoise cultivée des siècles passés.
Le Château de Crémat : le goût du vin et de l’art
Perché sur les hauteurs de la colline de Bellet ce château « rouge » fut la propriété de personnages atypiques et visionnaires qui ont su en faire un bijou architectural : en 1906, Antoine Mari, un prospère marchand d’huile d’olive niçois le fait construire sur la terre de ses ancêtres « Li plana de Mari »… Puis, dans les années folles, il est racheté par une riche américaine, Irène Bretz qui, dès 1923, entreprend d’importants travaux d’aménagements sous la direction du cabinet d’architecture Charles Dalmas qui œuvre – par ailleurs – à la construction du Carlton à Cannes.
Elle reçoit alors tout ce que la Côte d’Azur compte de célébrités grâce à de grandes fêtes qu’elle organise dans ses jardins. Parmi ses invitées, la célèbre Gabrielle Chanel. La légende dit qu’au cours d’un dîner, « Mademoiselle » aurait remarqué l’emblème du château: deux « C » inversés et entrelacés apposés sur les vitraux. La légende dit aussi qu’elle aurait alors demandé à son amie si elle pouvait les reproduire pour en faire sa marque… Mythe ou réalité ? Pas pour Thomas Derichourg, le propriétaire actuel (depuis 2017) qui a décidé de faire revivre « Coco » au château de Crémat… En effet, explique-t-il : «J’ai appris que l’hôtel Ritz allait fermer pour travaux et mettre aux enchères une partie de ses meubles. Alors j’ai tout racheté ! Gabrielle Chanel a vécu plus de trente dans le palace parisien… Tous les meubles sont étiquetés. On vient de les installer, il faut encore les faire estimer, précise-t-il. Ce sont des meubles d’exception…Ainsi de pièce en pièce, on passe de la suite Coco – lit jaune et chevets laqués aux tonalités asiatiques – au salon d’apparat où la mondaine recevait… Au-delà de l’aspect esthétique, c’est également l’offre du lieu qui a été redéfinie. Elle s’articule autour de l’événementiel, de l’art, du patrimoine culturel local et de son vignoble. Le château propose une visite « Mademoiselle » avec dégustation de vin. (Tarif : 20 euros par personne).
Les vignes du Château de Crémat se répartissent sur 4 collines le long de la vallée du Var : Crémât, St Sauveur, la Manda et Saquier. Seul vignoble possédant une AOP entièrement implantée sur une grande agglomération, entre mer et montagne, le vignoble de Bellet est baigné de soleil (286 jours an). On y produit des cépages blancs (Rolle & Chardonnay) et rouges (Folle Noire & Grenache). « L’ensemble des vins produits au Château de Crémat provient de raisins issus de l’agriculture biologique. « Lorsque le visiteur vient, il vit une expérience multiple entre l’histoire, le vin, et l’art. C’est important de mêler ces différents domaines » conclue Thomas Derichebourg. Plus d’infos : chateaucremat.com
Balader sur « Lou Camin Nissart »
Pour explorer Nice à pied et côté nature, on empruntera le nouveau GR « Lou Camin Nissart», une grande randonnée urbaine de 42 km qui sillonne les collines jusqu’à la Promenade des Anglais. Premier GR de Pays des Alpes-Maritimes, cet « Urban Trail » démarre sur la Promenade du Paillon pour vous mener au cœur du quartier du port, avant de grimper jusqu’au Mont Alban qui offre un panorama à 360 degrés.
On accède à la Colline du château par un ascenseur gratuit (rue des Ponchettes) si l’on ne veut pas gravir tous les escaliers… Là haut, on découvre une vue époustouflante sur la Baie des Anges ! Sur cette colline se dressait l’ancienne fortification entièrement détruite par Louis XIV en 1706.
Nice fut tour à tour ligure, grecque, romaine, génoise, provençale, savoyarde, piémontaise puis française en 1860 par le Traité de Turin. Une anecdote : elle n’a jamais été italienne ! Elle a attiré, du 18ème au 20ème siècles, des hivernants anglais, des ouvriers italiens, des exilés politiques russes, des réfugiés arméniens et juifs… En flânant au gré des rues, on découvre des merveilles de toutes origines : la cathédrale Saint-Nicolas, édifice religieux orthodoxe russe, des bâtiments aux intonations et couleurs piémontaises, génoises ou florentines, des places à l’italienne…
*** Merci à l’OT Métropolitain de Nice Côte d’Azur pour l’organisation de cette Assemblée AJT et toutes les découvertes faites le lendemain. Merci au « Pôle Presse » : Isabelle, Claudette et Catherine pour leur accueil chaleureux. Site : explorenicecotedazur.com