USA : Route 66 (II)
Get your kicks on the Route 66 but don’t go too fast or you’ll miss all the fun (Eclatez-vous sur la Route 66 mais n’allez pas trop vite, vous perdriez du plaisir)
Après avoir quitté Branson/ Missouri le 20 juillet à cinq heures du matin, notre Chevrolet s’est dirigée vers l’Ouest. Tantôt en empruntant la Route 66, tantôt en «zappant» la «Mother Road» et empruntant les «Interstates» (autoroutes) lorsque celle-ci s’avérait trop compliquée à suivre. Le Kansas nous est passé inaperçu. Il faut dire qu’il n’y avait que 20 kilomètres de Route 66… Est apparu ensuite l’Oklahoma où la Route fut commencée dès 1926. Comme l’autoroute est à péage, de nombreux véhicules empruntent encore la 66.
En passant près d’Oklahoma City, on se souvient de cet immeuble, le «Murrah Federal Building» qu’un extrêmiste de droite fit exploser en avril 1995 laissant sous les décombres 169 morts et plus de 600 blessés… A Clinton (rien à voir bien sûr avec le fameux Bill !), arrêt à l’intéressant et nouveau Musée Route 66 où de nombreux objets évoquent l’évolution de «The Main Street of America». En Oklahoma, la Route 66 parcourt 640 kilomètres.
Et voici l’état du Texas, changement de décor pour celui des grandes plaines et des immenses troupeaux de bétail. De Texola à Glenrio, ce sont encore 315 km qu’il faudra emprunter pour enfin pénétrer au Nouveau Mexique.
Amarillo semble une étape intéressante avec ses magasins «d’Antiquités» (Il faut savoir qu’au USA, tout ce qui a plus de 20 ans est une «antiquité»… Pas la même notion que sur le vieux continent !) et ses peintures murales, comme le signalent les guides touristiques, mais le chemin est encore long jusqu’à Albuquerque et nous ne ferons que traverser.
Tout près de la ville, arrêt obligatoire au «Cadillac Ranch» (situé le long de l’autoroute) où un excentrique milliardaire, Stanley Marsh a eu l’idée bizarre de planter dix «Cadillac» dans un champ suivant le même angle d’inclinaison que la pyramide égyptienne de Chéops. Bruce Springsteen a écrit une chanson à ce sujet intitulée «Cadillac Ranch».
Nous voici maintenant arrivés à Adrian, à mi-chemin entre Chicago et Los Angeles. Il y a bien des plaques indicatrices à photographier pour le «Mid Point of The Road» mais le terrible orage d’été qui s’abat sur le Texas à ce moment là nous contraint à garder les objectifs au sec… La route défile et les cieux se calment… Voici les silos à grains de Vega puis Glenrio, dernière bourgade avant le Nouveau Mexique.
Cadillac Ranch
A partir de là, obligation encore de retourner sur l’autoroute en raison de la disparition de la Route 66 qui devient… une piste ! Traversée, ensuite, de Tucumcari puis de Santa Rosa où la Route 66 est très présente à travers motels, stations-essence ou «diners» dont le «Silver Moon» (Notre photo)… Enfin, vers 19 h. 30, arrivée à Albuquerque pour participer aux événements du 75ème Anniversaire «Remember The Route».
Albuquerque et le Festival
«Remember The Route»
Albuquerque est la plus grande ville du Nouveau Mexique fondée en 1706 au bord du Rio Grande par les Espagnols bien que le lieu ait été habité depuis des millénaires par les Indians Pueblos notamment Apaches et Navajos. C’est une ville jeune, universitaire, en pleine évolution et la capitale mondiale de la montgolfière avec, chaque année, les quinze premiers jours d’octobre, un rassemblement international de «Hot Air Balloons» draînant des milliers d’amateurs. La vieille ville «Old Town» est un joli quartier espagnol avec sa plaza, ses boutiques d’artisanat, ses teintes ocres, sa belle église «San Felipe Neri» et ses ruelles fleuries.
Le «Blue Hôtel», où nous sommes logés sur la rue centrale d’Albuquerque (La Route 66) nous réserve une surprise incroyable : aux murs de la chambre, deux affiches… sur Marseille ! Toutes deux évoquent le passé du port, «Porte de l’Afrique du Nord», la seconde étant même une «réclame» de la Compagnie Paquet indiquant «Maroc, Sénégal, Levant, Mer Noire par Marseille»… Hallucinant et complètement incongru au fin fond du Nouveau Mexique… Nous n’aurons pas d’explication quant-à la déco des chambres car il semble (après un coup d’oeil espion) qu’elles arborent toutes des affiches identiques ! Peut-être un lot «d’antiquités», finalement…
Sharon, qui veille au bon déroulement de notre reportage au Nouveau Mexique, nous passe un coup de fil à peine arrivés pour nous convier, avec ses amis organisateurs du Festival, à un dîner informel au restaurant branché Kelly’s qui n’est autre qu’une ancienne station-service recyclée. Immédiatement nous sommes mis dans l’ambiance : les Américains sont enthousiastes et conviviaux… Même s’ils vous connaissent depuis quelques minutes, ils parlent avec vous comme si vous étiez des amis de longue date… «Nice to meet you !», enchanté de vous rencontrer est la phrase en vigueur pour tout début de conversation… Il y a, dans Albuquerque, pour célébrer les 75 ans de la Route, une grande concentration de véhicules d’époque, des centaines venus de toute l’Amérique et même du Canada et de l’Europe. Tandis que le soir descend sur la terrasse du Kelly’s, les «Belles Américaines» défilent en parade d’honneur sur l’artère centrale : Corvette, Chevrolet, Cadillac, Camero, Mercury, vieilles Ford, Mustang, Thunderbird, Falcon, Edsel, Dodge, Sprint, Jaguar, Plymouth… Autant de voitures rutilantes, bleues, rouges, noires, jaunes, vertes… de chromes super-astiqués reflétant tous les néons de la ville… Un spectacle inoubliable qui se répètera deux fois par jour au cours du week-end.
Chansons & Cinéma…
Un musicien de Jazz, Bobby Troup écrivit la fameuse chanson Get your kicks on the Route 66″dont Nat King Cole fit un standard dès 1946. 120 versions différentes ont été enregistrées sur tous les tempos, du jazz au rock en passant par la country ou le punk. Parmi les plus célèbres, celles des Stones, Sammy Davis Junior, Chuck Berry, Manhattan Transfert, Dépêche Mode… Au cinéma, d’abord l’inoubliable version des Raisins de la Colère de John Ford «Grapes of the Wrath» avec Henry Fonda, Jane Darwell et John Carradine, puis «Easy Rider» en 1969 avec Peter Fonda et Dennis Hopper les célèbres «bikers» ainsi qu’un jeune débutant, Jack Nicholson ! A la télé, enfin, le feuilleton des années 60 où deux héros parcouraient la Route 66 à bord d’une Corvette rouge… La Route 66 représentait à la fois cette liberté de «bouger» dans le pays mais aussi elle rappelait la grande dépression des années 30 qui avait conduit vers l’Ouest les fermiers de l’Oklahoma ou du Kansas comme la famille Joad des «Raisins de la Colère».Ce que les associations veulent préserver aujourd’hui, c’est l’architecture de la Route 66 qui représente la grande époque de l’automobile avec les stations-service, les néons des motels et des «diners» pour que le voyageur puisse se restaurer, prendre un peu de repos et faire le plein ! Chaque édifice est l’expression d’une culture populaire locale en même temps qu’il évoque la personnalité de son propriétaire. Prenons par exemple«The Aztec Motel» à Albuquerque construit en 1931 et reconnu comme un lieu historique : il a été sauvé de justesse de la démolition en 1991 par ses repreneurs, Mohamed et Phyllis Natha.
Dans « Les raisins de la colère », John Steinbeck écrit :
«Voitures qui filent sur la 66.
Plaques matricules. Mass, Tenn, Ohio…
En route vers l’Ouest. Belles voitures filant à 110.
Tiens, voilà une Cord qui passe.
ça ressemble à un cercueil sur roues.
Oui, mais bon Dieu, ça fait de la route.
Tu vois cette La Salle ? V’là ce qu’il me faut.
J’suis pas un cochon. J’suis pour les La Salle.
Tant qu’à faire, pourquoi pas une Cadillac ?
C’est juste un peu plus gros, un peu plus rapide.
Moi, j’aimerais mieux une Zéphyr. ça ne fait pas
millionnaire, mais ça a du chic et ça marche.
Une Zéphyr, voilà mon affaire.
Ben, vous allez peut-être vous foutre de moi…
mais j’choisirais une Buick-Puick. ça me suffit.
Eh ! nom de Dieu, ça coûte autant que les Zéphyr,
et c’est moins nerveux.
Je m’en fous. J’veux rien de ce qui sort de chez
Henry Ford. J’peux pas le sentir. Jamais pu.
J’ai un frère qu’a travaillé chez lui.
Vous devriez l’entendre…»
Le Festival se tient au Parc des Expositions d’Albuquerque dont les Halls abritent la «Route 66 Expo» qui renferme tout le merchandising inévitable, du tee-shirt sympa au bibelot «remember» du plus mauvais goût, tout en passant par les stands «Food & Drink» (bouffe & boissons) obligatoires aux USA ! Les voitures de collections, des années 20 aux années 70 sont exposées et «bichonnées» dans les allées et la société Magna Steyr, de Toronto, a créé une Corvette, véhicule «commémoratif» largement inspiré du modèle de 1953 mais avec toute la technologie d’aujourd’hui : 5,7 litres, moteur V8 et 350 chevaux. Un clin d’oeil à l’icône de la Route 66. Nostalgie… Le samedi matin, les «Hardly Angels» venues du Colorado faisaient un show synchronisé en Harley Davidson, unique spectacle féminin sur la mythique moto ! Comme au Nouveau Mexique quasiment 50% de la population est hispanisante donc catholique fervente, le dimanche matin une grande messe en plein air, haute en couleurs était célébrée avec curés, mariachi et danseuses donnant un côté moderne et fun à une cérémonie la plupart du temps insupportable d’ennui… La journée se pousuivait dans le parc par une grande fête mexicaine aux concerts improvisés à l’odeur de tacos, tortillas et margaritas. Pendant tout le week-end, un bureau de poste spécial a oblitéré le timbre du 75ème anniversaire de la Route. Mais ce dernier ne pouvait circuler qu’à l’intérieur des USA !
A NE PAS MANQUER À ALBUQUERQUE
– Le New Mexico Museum of Natural History, son impressionnante galerie de… dinosaures et sa machine à remonter le temps… – L’Indian Pueblo Cultural Center et sa large collection d’objets du passé, ses boutiques, son artisanat et les exhibitions de danses traditionnelles offertes aux visiteurs. – Biological Park incluant le Rio Grande Botanic Garden, l’Albuquerque Aquarium et le Rio Grande Zoo. – Sandia Peak Tram, le plus long téléphérique du monde (d’après les Américains ?) au-dessus du Domingo Baca Canyon qui parcourt 2,7 miles (soit 4,3 km) en traversant 4 biotopes sur les sept que compte la terre. De là haut, une immense vue sur toute la vallée et de superbes pistes de ski empruntées l’été par randonneurs, cavaliers et vététistes. A l’heure du sunset (coucher de soleil), le restaurant d’altitude est vraiment un lieu privilégié.
Santa Fe, la belle Espagnole !
Même si on veut suivre à la lettre la «66», un détour obligatoire s’impose par Santa Fe où la Route passait jusqu’en 1937 quand le Gouvernement décida de la raccourcir de 107 miles. Exit Santa Fe… La Cerrillos Road qui s’appelle aussi «Turquoise Trail» en référence aux chercheurs de turquoise, doit être préférée à l’autoroute I-25. Elle vous conduira, au bout de 90 km de paysages sauvages et de bourgades semi-abandonnées à la plus vieille ville des Etats-Unis puisque Santa Fe fut construite par les Espagnols dès 1609 soit onze ans exactement avant l’arrivée du Mayflower !
Santa Fe est très «tendance»… Ici, se sont installés des dizaines d’artistes, peintres, sculpteurs, amoureux de la lumière et du climat sec… Il y a plus de 150 galeries d’art, des sculptures à tous les carrefours, de nombreux musées et une intense vie culturelle. Avec sa plaza, ses maisons en adobe, ses églises et ses mille ocres, Santa Fe ne ressemble en rien à une ville américaine. Plutôt un bout d’Espagne ou de Mexique pour la capitale, depuis 1912, de l’etat du Nouveau Mexique. The Inn on the Alameda, notre hôtel à deux pas de la plaza, est tout à fait caractéristique de l’architecture traditionnelle. Ici, les nouvelles constructions respectent les sévères règles d’urbanisme : pas d’immeubles en hauteur et uniquement l’architecture «pueblo». Sur la Plaza, une obélisque (Érigée en 1868) dédiée aux Américains tombés contre les Indiens au cours de la Conquête de l’Ouest et qui traite les «Native Americans» de «sauvages» a vu son texte rectifié, expliquant que ces termes ont été écrits en d’autres temps et que les anciens antagonismes n’ont plus cours…
A NE PAS MANQUER À SANTA FE :
– Le Palais du Gouverneur, sur la Plaza, identifiable à toutes les Mexicaines installées à même le sol pour vendre leurs bijoux aux touristes. En 1880, le Gouverneur Lewis Wallace y écrivit Ben Hur. Il abrite une collection d’archéologie sur les pueblos et la chapelle des Gouverneurs restée intacte. – Saint Francis Cathedral, une cathédrale du 19ème siècle construite par un évêque Auvergant,Monseigneur Lamy qui a sa statue sur le parvis. – Chapel of San Miguel, la plus vieille église des USA construite en 1610. A sa gauche, la plus vieille maison «Oldest House» qui abrite une boutique. – Museum of International Folk Art et Museum of Indian Arts et Culture, deux magnifiques musées sis à l’extérieur du centre et vraiment intéressants. Le premier avec sa collection d’objets d’art populaire (surtout hispanique) ses maquettes et personnages reconstituant des scènes de la vie quotidienne, une salle est aussi réservée à la Route 66 ; et le second, consacré à la culture Indienne où les pièces de collections se trouvent mises en scène à travers des reconstitutions réalistes.
Si votre planning n’est pas trop chargé (prenez le temps, comme dit la chanson !) montez encore un peu plus au nord pour visiter Taos et Taos Pueblo, village Indien habité depuis le 13ème siècle
Enfin, s’il vous reste quelques heures, allez les passer à Bandelier National Monument, un lieu exceptionnel d’habitats troglodytes où vivaient déjà les pueblos il y a 12.000 ans. Le Parc National, qui doit son nom à son découvreur (en 1880) Adolph Bandelier, né en Suisse, propose de nombreux sentiers de balade très bien aménagés à travers les spectaculaires falaises.
En quittant Santa Fe, il faut redescendre sur Albuquerque pour reprendre la Route 66.
«Nos villages ne sont pas des parcs d’attractions»
Nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer Mike Concha, ex-Gouverneur du Taos Pueblo qui nous a fait une visite commentée de son village.
– «Notre Pueblo, dit-il, continue de vivre dans les traditions anciennes, sans eau courante ni électricité. Pourtant la plupart de nos concitoyens travaillent à l’extérieur comme les autres Américains. Nous acceptons de faire visiter le Pueblo aux touristes, mais il faut bien qu’ils comprennent que ce ne sont pas des parcs d’attractions et que nos danses traditionnelles ne sont pas des shows mais des rites ancestraux… Ici, nous élevons encore buffles, vaches et chevaux. Notre village est vivant, ce n’est pas une image de carte postale ! C’est une Nation souveraine présidée par un Conseil de Tribu dont les 22 membres sont élus le 31 décembre de chaque année. Le Conseil Comprend le Gouverneur et ses neuf assistants officiels et le Chef de Guerre (genre de Ministre de l’Intérieur) avec ses 11 collaborateurs. J’ai été, moi-même, deux fois Gouverneur.
Le Taos Pueblo a été déclaré «Patrimoine de l’Humanité» par l’UNESCO et nous en sommes fiers. Le Rio Pueblo River alimente le village en eau potable suffisament pour les besoins quotidiens. Le pain cuit traditionnellement dans des fours de terre et à la braise. Il est vendu aux visiteurs ainsi que tout l’artisanat créé par les habiles habitants du Pueblo. Aujourd’hui, nos conditions de vie ont considérablement changé : nos enfants s’instruisent, vont à l’école puis à l’Université. Ils apprennent l’Anglais, l’Espagnol, et la langue de leurs ancêtres… Je suis confiant, les atouts semblent réunis pour la pérénnité de notre culture…»
Gallup, la capitale des Indiens d’Amérique
Nouvelle étape dans l’état du Nouveau Mexique, Gallup, au coeur des terres Navajo et Zunis est la capitale des «Native Americans» (Indiens) et de leurs bijoux. C’est ici qu’il faut acheter le bel artisanat proposé dans les «pawn shops» où les Indiens déposent leurs créations. Et c’est à l’hôtel mythique «El Rancho» fondé en 1937 par le frère du metteur en scène D.W. Griffith, qu’il faut s’arrêter. Véritable musée du cinéma américain d’avant-guerre, l’hôtel situé sur la Route 66 (artère centrale de Gallup) a vu défiler tous les personnages mythiques : Spencer Tracy, Katherine Hepburn, Kirk Douglas, Jane Wyman, Humphrey Bogart, Allan Ladd… car il servit de cadre naturel au tournage de nombreux films. Les acteurs hollywoodiens y prenaient donc pension le temps des prises de vue et toutes les chambres sont désignées du nom de celui qui y dormit…
Nous hériterons de celle de Robert Taylor ! Quant au restaurant, il sert les mets que préféraient les stars comme le «John Wayne», un hamburger au guacamole et au fromage, le «Humphrey Bogart», un autre hamburger avec des champignons sautés, le «Burt Lancaster», un sandwich au poulet ou encore le «Robert Taylor», un club-sandwich à la dinde, au jambon, bacon et fromage… Les tarifs sont raisonnables et le décor incroyablement nostalgique ! Gallup est aussi une escale ferroviaire importante vers l’Ouest et l’Inter Tribal Indian Ceremonial qui s’y tient en août rassemble toutes les tribus d’Amérique. Après Gallup, la Route 66 entre en Arizona à Lupton.