Ouzbékistan : Samarcande, Patrimoine de l’Humanité
Reportage de nos envoyés spéciaux : Dany Antonetti pour les Textes & Photos/Vidéo : Patrice Branchereau
Lorsqu’on atterrit à Samarcande après un long voyage, on remarque d’abord ce superbe aéroport de lumière où vous accueillent des hôtesses en costume local et une fanfare traditionnelle. Le décor est planté : nous arrivons dans un pays où l’hospitalité s’érige en loi et où le peuple généreux adore partager ses coutumes et traditions ! Nous devinons déjà que nous serons les bienvenus en Ouzbékistan et que nous allons vivre d’intenses moments de communion et d’amitié !
La voiture reconnaissable à son sigle « UNWTO » file sur une large avenue alors que nous avons déjà fait connaissance avec nos hôtes : Laylo et Farkhod ainsi que Javoxir et Maqsud nos étudiants-interprètes… Tout au long de ce séjour, avec les deux chauffeurs, ils oeuvreront pour honorer nos demandes en matière de visites touristiques et de rencontres… Après une vingtaine de minutes, nous voici arrivés au complexe « Silk Road Samarkand » où nous logerons à l’hôtel Minyoun tout comme une majorité de délégués de l’UNWTO.
Un peu d’histoire…
La République d’Ouzbékistan, au coeur de l’’Asie Centrale, entre steppes, déserts et montagnes est au croisement des grandes routes de communication et de commerce et notamment sur la fameuse « Route de la Soie » ancien réseau entre l’Asie et l’Europe reliant la ville de Chang’an (actuelle Xian) en Chine à la ville d’Antioche aujourd’hui en Turquie. Elle tire son nom de la plus précieuse marchandise qui y transitait : la soie dont les Chinois furent pendant longtemps les seuls à détenir le secret de fabrication.
« Le Devisement du Monde » qui relate les voyages du célèbre vénitien Marco Polo (vers 1272) décrit Samarcande comme une « très noble et grandissime cité, où se trouvent de très beaux jardins et tous les fruits qu’homme puisse souhaiter. Les gens y sont chrétiens et sarrasins. Ces jardins appartiennent au neveu du Grand Khan, oncle et neveu ne sont point amis mais bien souvent en querelle. » Le pays qui a retrouvé son indépendance après le démantèlement de l’URSS en 1991 essaie de se faire une place autour des grandes puissances qui l’entourent : Russie, Chine et Turquie… Il en a toutes les potentialités !
Samarcande : presque trois fois millénaire
Un p’tit tour de drône sur la célébrissime Place du Registan
Identifiée à l’antique Maracande, Samarcande est riche en monuments historiques. En 2001, l’Unesco l’a proclamée « Carrefour de cultures » et site du Patrimoine Mondial. La ville fut conquise par Alexandre le Grand en 329 avant J.C. Elle devint prospère sous l’influence hellénistique. La légende dit qu’un léopard descendu des montagnes Zarafshan approuva sa construction… depuis ses habitants sont fiers d’appartenir à la race des léopards nobles et généreux !
Avec Boukhara, Samarcande fait partie des plus anciennes villes habitées d’Asie Centrale. Elle a abrité des communautés diverses et est devenue le foyer de nombreuses religions dont le Bouddhisme, l’Hindouisme, le Judaïsme, l’Eglise de l’Orient et l’islam… Mais après la conquête des Omeyades vers 710, l’islam y devint la religion dominante et beaucoup d’habitants s’y convertirent. En mai 2007, l’Unesco célébrait le 2750ème anniversaire de Samarcande. Une conférence internationale consacrée au rôle de la ville dans l’histoire de la civilisation mondiale eut lieu le 29 mai 2007 au siège de l’Unesco à Paris.
La Place du Régistan, chef d’oeuvre de l’art Arabo-musulman
La Place du Régistan qui signifie « place sablonneuse » en persan avec ses trois médersas Ulugh Beg, Tilla Kari et Cher-Dor (médersa : le mot vient de l’arabe signifiant lieu d’enseignement et d’apprentissage) est un ensemble architectural unique élevé au rang de Patrimoine de l’Humanité. C’est le lieu qu’il faut absolument voir lors d’un séjour à Samarcande !
La médersa d’Ulugh Beg est l’une des plus vastes d’Asie Centrale. Le monarque, passionné d’astronomie, a davantage investi dans l’enseignement que dans la construction de mosquées et de mausolées à l’inverse de son grand-père Tamerlan. Une inscription calligraphique indique que « cette magnifique façade est deux fois plus haute que le ciel, et lourde au point que l’échine de la terre en est écrasée ». Des minarets sont disposés aux angles des façades. Une mosquée occupe l’espace situé entre les deux salles d’études au fond de la cour.
La médersa Tilla-Qari (« Couverte d’or ») assure les fonctions de médersa et de mosquée du vendredi pour la ville. Tout le côté ouest est occupé par la mosquée. La médersa Cher-Dor (« La porte des Lions ») a été construite par Yalangtouch, « en miroir » de la médersa d’Ulugh Beg, antérieure. Elle est flanquée de minarets d’angle sur un modèle identique à la médersa d’Ulugh Beg.
Mais Samarcande regorge, par ailleurs, d’autres monuments fabuleux comme la nécropole Shakhi-Zinda constituée de nombreux mausolées les plus anciens datant du 11ème siècle. On y trouve en particulier ceux de Touman Aka (1405) et de Koutloug Aka (1361), deux des épouses de Tamerlan.
Bibi Khanym, autre épouse de Tamerlan (Il en eut 18 ainsi que de nombreuses concubines) a laissé son nom à deux monuments ou ensembles monumentaux : la « mosquée du vendredi de Tamerlan » dite mosquée Bibi Khanym et l’ensemble mausolée et médersa dit de Saray Mulk Khanum. La mosquée fut érigée à partir de 1398 par Tamerlan au retour de sa campagne des Indes où il avait saccagé Delhi.
Celle-ci commença très tôt à se détériorer suite à des tremblements de terre dont celui de 1897 avant d’être partiellement relevée par le gouvernement soviétique en 1974. Plusieurs campagnes de restauration ont été menées depuis afin de préserver au mieux le sanctuaire. Elle est considérée comme l’un des monuments emblématiques d’Asie Centrale. Le mausolée Bibi-Khanym fait face à la mosquée.
Siab Bazaar, sur la Route de la soie…
Siab Bazaar, est le plus grand et plus ancien bazar (marché) de Samarcande. L’entrée principale se trouve à côté de la mosquée Bibi Khanoum. Au-dessus des trois arches de l’entrée, on peut lire le nom du bazar, en ouzbèk : Dehqon Bozori Siyob. Le terme « dehqon » précise que nous sommes dans un bazar (bozori) agricole, où l’on trouvera essentiellement des produits issus de l’agriculture.
Déjà présent à l’époque de Tarmerlan, le bazar actuel a été entièrement reconstruit à l’époque soviétique, avec des matériaux modernes. Il est divisé en sections et chaque allée vend le même type de produits : fruits secs, légumes de saison, céréales, épices, poteries, textiles…
Et le fameux pain de Samarcande, unique : il n’y a que là que l’on peut en trouver presque toutes les variétés ! « Samarkand naan » est une feuille de pain de farine de blé cuite sur la paroi brûlante d’un four confectionné par les femmes… un régal !
Tous les étals sont particulièrement bien agencés et la propreté qui règne d’un stand à l’autre est remarquable : à noter particulièrement les couleurs des épices, des salades, des tomates et autres poivrons… un véritable bonheur pour le photographe !
Au marché, on trouve aussi des plantes médicinales dont l’herbe de Harmal particulièrement efficace pour assainir l’air et lutter contre les maladies pulmonaires et les rhumatismes !
Le village Konigil et le moulin à papier « Meros »
A 13 kilomètres de Samarcande, une visite s’impose au village Konigil niché dans un nid de verdure où coule la rivière Siab. Ici, vous apprendrez tout sur la fabrication ancestrale du papier au moulin « Meros » qui utilise les anciennes méthodes suivant une technologie manuelle – dépourvue de tout produit chimique – antérieure à l’invention des machines à papier. La légende raconte qu’au 8ème siècle, les chinois vaincus par Samarcande durent livrer leur secret de la fabrication du papier… C’est ainsi que les artisans locaux commencèrent à en fabriquer !
Si une feuille de papier ordinaire peut être conservée pendant 40 ans, celle de Samarcande le sera 400 ans ! Outre la création de souvenirs en vente à la boutique (cartes postales, blocs-notes réalisés dans le style national, sacs à main, poupées, robes…) le papier de Samarcande est aussi utilisé pour restaurer les anciens manuscrits. De nombreuses commandes affluent du monde entier ! En baladant dans ce joli village, on découvre aussi un atelier de poterie et de nombreuses boutiques d’artisanat d’art…
L’Observatoire Oulubek
Oulubek est un prince héritier de Samarcande, petit fils de Tamerlan. Il, est connu pour son érudition et notamment ses connaissances en astronomie. Ici fut créé le premier sextant dès 1424. Malheureusement, après sa mort les savants furent chassés et la bibliothèque brûlée…
Mais, au 17ème siècle, un astronome polonais réussit à traduire son oeuvre et au début du 20ème siècle un archéologue russe a retrouvé l’Observatoire ! C’est d’ailleurs cet observatoire qui a été reproduit sur la scène du théâtre de plein air. Aujourd’hui, si ces lieux servent de musée, un bel observatoire moderne a été créé à 80 km de Samarcande qui regroupe des chercheurs du monde entier.
Shakhrisabz, où naquit Tamerlan
Shakhrisabz qui signifie « la ville verte » située au sud de Samarcande présente d’immenses édifices entourés de jardins. Ici naquit Amir Temor plus connu sous le nom de Tamerlan (1336-1405). Amir Temur s’il est le symbole d’une certaine cruauté guerrière est aussi celui de la connaissance : science, culture, religion et spiritualité…
Boukhara, l’autre merveille d’Ouzbékistan !
A Samarcande nous embarquons sur le train à grande vitesse pour atteindre Boukhara, moins de deux heures plus tard. Ici nous attend Laziza, prof de français, qui sera notre guide dans cette ville bimillénaire située aussi sur la Route de la Soie !
Boukhara fut un centre important pour la théologie et la culture islamiques à l’époque médiévale. La ville possède encore des centaines de mosquées, de médersas, de bazars et de caravansérails bien préservés. « L’Arche » est une ancienne citadelle qui a été détruite et reconstruite à plusieurs reprises au cours de son histoire.
L’ensemble du paysage urbain démontre le niveau constant de l’urbanisme et de l’architecture : plus de 140 monuments appartenant à différentes époques y ont été conservés. Au gré de nos déambulations dans les rues consacrées à l’artisanat, nous avons pu nous arrêter au stand d’un coutelier réalisant de superbes spécimens à la forge (J’ai pu en acheter 3 pour 50€ !)…
Un peu plus loin nous avons craqué sur l’atelier-musée de fabrication des marionnettes dont les représentations théâtrales sont très populaires. Plus qu’un simple jouet, les marionnettes sont un élément de culture ouzbek ! Evidemment, on trouve aussi de la belle céramique, de la peinture sur bois, toutes les soieries chatoyantes…
Boukhara a longtemps été un centre économique et culturel important de l’Asie centrale : l’ancienne cité perse fut un centre majeur de la culture islamique durant de nombreux siècles et est devenue un centre culturel du Califat au 8ème siècle. Elle est inscrite sur la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco depuis 1993. Les quelques heures qui nous étaient octroyées dans cette magnifique ville nous laisseront dans la frustration de n’avoir fait que passer… Déjà il fallait reprendre le train !
L’Ouzbekistan, ce ne sont pas seulement ces villes-musées grandioses, c’est aussi une nature à découvrir : des montagnes, des lacs, des parcs naturels, la possibilité de pratiquer des sports extrêmes (parapente, montgolfière, rafting, alpinisme, VTT…)… Il faudra y revenir ! Site : https://uzbekistan.travel/fr/
Carnet de Route
Y aller : « Uzbekistan Airways » la compagnie nationale propose 2 vols par semaine (vendredi et samedi en Airbus A320neo) pour Tashkent au départ de Munich. Bien sûr, de nombreuses possibilités s’offrent en France avec diverses compagnies proposant d’autres escales.
Hébergement : Hôtel Minyoun à Silk Road Samarkand que l’on peut réserver sur les plateformes européennes à des tarifs intéressants pour un 5*.
Se restaurer : Une gastronomie basée sur la viande… Nous avons pu apprécier outre un nombre incalculable de salades variées, des plats de viande colossaux cuits à la braise et le « Samarkand Pilaf », plat traditionnel qui se compose de riz, viande, carottes, pois-chiches, raisins secs et diverses épices : un vrai délice… Quant-au pain de Samarcande, on dit qu’il pourrait être conservé trois ans sans se dégrader !
*** Merci à Sihem Souid (Edile Consulting) pour la proposition de reportage et à Jakhongir Mukhitdinov représentant le Tourisme, la Culture et les Médias à l’Ambassade de la République d’Ouzbekistan en France. Et sur le terrain en Ouzbékistan à Laylo Rustamova, journaliste et représentante du Ministère de l’Education ; Farkhod Okmirzaevith, lui aussi du Ministère de l’Education ainsi que Javoxir et Maqsud nos deux étudiants interprètes en français… Sans oublier les deux chauffeurs toujours disponibles !
A suivre : https://www.grand-sud-mag.com/louzbekistan-recoit-le-tourisme-mondial-au-silk-road-samarkand/