QUÉBEC : Escapade à Charlevoix
Nous continuons nos vies de québécois heureux…
Juli & Robert nous font découvrir la Région de Charlevoix
par l’intermédiaire de leurs amis France & Fernand
A Port-au-Persil, chez France et Fernand
Port-au-Persil (qui fait partie de la commune de Saint-Siméon dans la région de Charlevoix) se trouve à l’écart de la route 138, sur les rives du Saint-Laurent. On l’atteint après près de 5 heures de route en provenance de Montréal.
La légende dit que le village fut baptisé par Samuel de Champlain en 1626, car il y trouva beaucoup de persil… Plus vraisemblablement, Port-au-Persil fut fondé par Neil McLaren, un Écossais qui s’y installa avec sa famille au début au 19ème siècle. De jolies maisons colorées éparpillées le long du fleuve, une petite chapelle de bois peinte en blanc, près des rochers construite en 1893 par Mister McLaren himself… Un cadre idyllique pour un hameau qui fait partie de l’Association très sélective des « Plus Beaux Villages du Québec ». Le rythme du fleuve et de ses marées font partie du quotidien de même que le ballet aquatique des belugas frondeurs et le va-et-vient des oiseaux migrateurs.
Nous sommes attendus chez France & Fernand, amis de nos amis Juli & Robert (Oui, c’est un peu dur à suivre… mais je me comprend : l’essentiel pour nous est l’immersion totale dans la société québécoise !). Je ne me lasserai pas de répéter que l’hospitalité n’est pas un vain mot au Québec…Nos hôtes habitent une superbe maison de pierre et de bois au bord du fleuve entièrement construite des mains de Fernand, artiste-ébéniste de profession et cueilleur de champignons par passion !
Nous allons passer trois jours chez eux pour découvrir un petit échantillonnage des multiples attraits que revêt cette côte du majestueux Golfe Saint-Laurent, le plus grand estuaire du monde où le fleuve va terminer sa course de 4.000 km (Si on tient compte de sa traversée des grands lacs américains) pour rejoindre l’Océan Atlantique.
Randonnée au phare de Cap-au-Saumon
Au programme du jour, randonnée pédestre au phare de Cap-au-Saumon. Il y a 43 phares à Québec en bordure du Saint-Laurent et de ses îles. Le phare de Cap-au-Saumon est situé à Saint-Siméon à mi-chemin entre Port-au-Persil et Port-Saumon. Mis en service en 1894, ce phare – perché sur un escarpement de 30 mètres dominant le fleuve – est une tour octogonale de 14 mètres de hauteur qui resta à l’abandon pendant une trentaine d’années avant d’être restaurée soigneusement. Plusieurs bâtiments annexes l’entourent dont la maison du gardien de phare (désormais en location). Un chemin accidenté de 4,5 kilomètres conduit au promontoire.
Nous voilà en route sur un petit sentier boueux qui surplombe complètement le fleuve. Parfois nous nous enfonçons dans la forêt tandis qu’à d’autres moments la vue est complètement dégagée sur l’horizon. Cette semaine, ceux qui ont eu la chance de pouvoir louer ce lieu solitaire et magique y accèdent à quad (Ici, on dit 4×4)… C’est à dire qu’ils n’ont aucun mérite pour retourner chercher du beurre au village… Mais plus fort : il y a aussi une plateforme d’atterrissage pour hélico : le comble du luxe… En revanche, l’accès par la mer est impossible : la falaise est trop abrupte et les courants bien trop violents !
En ce qu’il nous concerne, nous avons bien apprécié notre marche d’approche et la récompense est énorme. Nous allons pique-niquer face à un époustouflant panorama et sous un soleil généreux ! Pour le retour, Fernand choisira une variante qui nous ramènera directement à la maison… Un parcours assez difficile à travers d’hypothétiques tracés dont lui seul a le secret et que parfois il doit rouvrir à la machette… Bref, nous jouerons les « Indiana Jones » pour notre plus grand plaisir.
Nous découvrirons en sa compagnie quelques « spots » ou points de vue sublimes – particulièrement inaccessibles – connus seulement par lui et les ours dont il identifiera les traces et les excréments… La randonnée (environ 5 heures) se transformera bien vite en cueillette de chanterelles (les coins sont secrets : chut !) pour se régaler au dîner, d’un risotto maison bien mérité accompagné d’une truite saumonée du terroir et d’une belle salade aux fleurs comestibles concoctée par nos amies France et Juli…
Descendre en canoë la rivière Petit-Saguenay
Nouvelle journée, nouvelle aventure… Aujourd’hui, Fernand et Robert préparent les canoës traditionnels en cèdre du Québec afin que nous descendions la rivière Petit-Saguenay sur une distance de 13 kilomètres. Grosse logistique : nous avons besoin de trois embarcations (pour 6 personnes) qui vont être hissées sur deux « chars » (Des voitures en « parler québécois », pas des chars d’assaut ! ) par les deux compères. L’une restera sur la zone de départ tandis que l’autre nous récupèrera à l’arrivée de l’expédition !
Nous nous dirigeons en direction de la Route 170 vers Chicoutimi en faisant bien attention de ne pas rencontrer des orignaux (Eh oui ! La pancarte du 511 est vraiment impressionnante !)… Nous trouvons ce panneau très drôle mais il paraît qu’une collision avec ces cervidés géants peut s’avérer fatale… Donc, « En cas d’intrusion »… Ne pas oublier d’appeler le 511 ! Vigilance… Nous atteignons l’embarcadère au bout de 45 minutes.
Nous voici prêts à naviguer au fil de l’eau pour arriver au village de Petit-Saguenay. Les eaux présentent un agréable courant qui nous aide bien dans la pratique de la rame… En fait, il suffit de se laisser glisser au fil des paysages bucoliques et de donner, de temps en temps, un petit coup d’accélérateur musclé…
La rivière est absolument vide de toute trace humaine : nous ne rencontrerons aucune embarcation au cours de notre descente (ça change de l’Ardèche !). Seuls les oiseaux viendront percer le silence : martins-pêcheurs, pluviers kildirs (merles d’Amérique), le garrot à œil d’or, un joli petit canard, espèce protégée, hérons… La vie animale est intense sur les rives du Petit-Saguenay : Fernand nous montre, sur le sable, les empreintes laissées par les orignaux, l’ours, le loup, le chevreuil… et les spectaculaires barrages érigés par les astucieux castors que nous sommes obligés de contourner.
Il nous explique ensuite que cette rivière servait autrefois à descendre le bois par flottaison (on appelle ce procédé « la drave ») : « On observe encore des « pitounes » (bûches de bois) échouées dans le lit, poursuit-il ».
De belles plages naturelles de sable sont propices à l’arrêt « baignade » : l’eau est agréablement fraîche… Il suffit d’arriver à s’immerger pour en goûter la tonifiante vitalité. On peut même se laisser porter par le courant, histoire de croire à de belles performances de rapidité en natation !
La journée s’est déroulée presque « Comme un long fleuve tranquille »… Nous voici arrivés au débarcadère… Trajet en sens inverse… Fernand en profitera néanmoins pour nous faire apprécier un autre « spot » : les Chutes de Sagard sur le chemin du retour sur la Route 170. Une descente facile de 3/4 minutes mène aux chutes où nous pourrons apprécier un jacuzzi inattendu !
Le village de « Petit Saguenay » offre un panorama sur le fjord : on aperçoit le Saguenay sur 27 km. Le quai a été joliment restauré et des ados téméraires jouent à se jeter dans ses eaux froides du haut de la digue d’environ 8 mètres de haut ! Les photos sont spectaculaires !
Une leçon de poutine…
On ne peut pas visiter le Québec sans goûter à la poutine, indissociable des traditions ! Un peu de culture : le terme « poutine » existe en Acadie et en Louisiane avec des significations similaires. Il semble qu’il s’agisse d’une adaptation du mot anglais pudding. D’ailleurs, on retrouve ce mot dans le dictionnaire canadien-français d’Oscar Dunn, publié à la fin du 19ème siècle avec la signification de « pudding ».
En Louisiane francophone, « poutine » est le mot utilisé pour signifier le pouding soit tout dessert à la fin du repas. Certains voudraient que le mot pudding soit la variante anglicisée du mot « boudin » (en anglais, le boudin noir s’appelle black pudding). La prétendue origine provençale « poutingo » qui signifie « mauvais ragoût », est douteuse : il y a eu très peu d’immigrants provençaux au Québec ou en Amérique du Nord !
Mais alors ? Qu’est-ce-que c’est la poutine ? Un plat constituée de frites et de fromage en grains (cheddar frais) que l’on recouvre de sauce brune ou « barbecue » qui trouve son origine dans le Québec rural des années 1950. Le fromage en grain frais du jour est fabriqué dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean ainsi que dans celle des Bois-Francs. Lorsqu’il est très frais, ce cheddar caillé prend alors l’appellation populaire de « fromage skouick-skouick », désignant le bruit caractéristique produit lorsqu’on le croque. Il est également appelé « fromage en crottes » dans le langage familier.
L’origine exacte de la poutine est très controversée. L’histoire la plus répandue est qu’elle proviendrait d’un restaurant autrefois appelé « Le Lutin qui rit » àWarwick dans la MRC d’Arthabaska. Selon la légende, en 1957, un client nommé Eddy Lainesse aurait demandé au propriétaire Fernand Lachance de mettre le casseau de fromage et le casseau de frites dans le même sac et le propriétaire aurait répondu : « Ça va faire une maudite poutine », d’où le nom qui veut dire « mixture étrange ».
Un restaurateur de Drummondville, Jean-Paul Roy propriétaire en 1964 du « Roy Jucep » affirme qu’il est l’inventeur de la poutine. Il serait le premier à avoir servi la poutine comme on la connaît aujourd’hui c’est-à-dire « patates frites, fromage et sauce ». En fait, il est le premier à l’avoir commercialisée mais ne l’a pas inventée ! Le nom viendrait d’un mélange d’une déformation du mot anglais pudding et du surnom du cuisinier Ti-Pout. (Jean-Paul Roy est décédé en mort 2007 à l’âge de 74 ans). La poutine pourrait également provenir de la région de Nicolet, dans le Centre-du-Québec ou de Saint-Hyacinthe enMontérégie. Le grand nombre de fromageries fabriquant du fromage cheddar en grains dans ces deux régions pourrait expliquer le phénomène.
Une autre légende veut que la naissance de la poutine ait eu lieu à Princeville au restaurant « La P’tite Vache » fondé en 1966 par Henri Provencher. À l’époque, la fromagerie Princesse (maintenant située à Plessisville) produisait du fromage en grain mais n’avait pas de kiosque de vente au détail. « La P’tite Vache » étant située dans un immeuble adjacent à la fromagerie. Ils commencèrent à vendre du fromage en grain frais à la caisse du restaurant. Un client assidu venait au restaurant et y commandait une frite et achetait un sac de fromage en grain pour ensuite aller à sa table, ouvrir le sac et y mélanger le fromage. Max Sévigny qui a été propriétaire du restaurant a confirmé en novembre 2010 que l’appellation originale était 50-50 en référant à un mélange de 50 % de frites et 50 % de fromage. La sauce a ensuite été incluse et le nom « mixte » adopté. Le 50-50 a fait son apparition dès la première année d’opération de la « Petite Vache ». Pendant plusieurs années, dans les villes de Plessisville, Princeville et Victoriaville, la poutine était connue sous le nom d’un « mixte ». Ce n’est que lorsque de grandes chaînes commencèrent à vendre ce produit que le nom poutine apparut.
Aujourd’hui, la poutine se présente sous de nombreuses variantes : certains restaurants en proposent près d’une centaine ! Robert a décidé de nous faire tester la traditionnelle (Bof !), pour nous proposer ensuite d’en déguster une de sa composition avec une sauce aux chanterelles récoltées sur les berges du Petit Saguenay alors que nous faisions notre descente en canoë… Naturellement, l’habileté du Chef à marier les ingrédients a fait de ce plat, banal en somme, un vrai régal de gastronome ! Un grand bravo à Robert pour sa créativité… Et encore merci à nos hôtes pour leur si chaleureux accueil !