St-Maries-de-la-Mer : Gitans et traditions Provençales

ImageLes Saintes-Marie-de-la-Mer revendiquent légitimement leur titre de « Capitale de la Camargue ». Face à la mer et au milieu du village, un gardian à cheval et son taureau de bronze sont d’ailleurs là pour nous le rappeler. Et si le 24 Mai la cité accueille dans la joie le pèlerinage des gitans du monde entier venus vénérer Sara la Noire, il ne faut pas oublier que le 25 mai ce sont les traditions provençales (auxquelles se joignent d’ailleurs les gens du voyage) qui reprennent le dessus avec la bénédiction des saintes Salomé et Jacobé… Nous avons assisté à ces manifestations hautes en couleurs sous le ciel d’azur de la Camargue.

ImageLe matin du 24 Mai, on mène en Procession à la mer, Sara, la Patronne des Gitans. Avant cette manifestation, à l’intérieur de l’Eglise, les Châsses contenant les reliques, ont été lentement descendues de la  » Chapelle Haute  » au moyen d’un treuil au milieu des chants et des acclamations. La statue de Sara, portée par les Gitans, jusqu’à la mer, symbolise l’attente et l’accueil des Saintes Maries Jacobé et Salomé. Pourtant, ce cortège est d’institution récente : en 1935, le Marquis de Baroncelli et quelques Gardians de Camargue, soucieux de donner aux Gitans dans le Pèlerinage une place qu’ils n’avaient pas (ils n’étaient encore à cette époque que quelques centaines, perdus dans la grande foule des pèlerins de Provence et du Languedoc), obtinrent d’organiser avec eux cette marche vers la mer en souvenir de l’arrivée de  » leur Sainte « . Sara est habillée de neuf. Quarante, cinquante manteaux, offerts par les pèlerins, s’amoncellent sur ses frêles épaules et la statue grossit de jour en jour… tandis que son fin visage pâlit sous les attouchements implorants et fervents.

ImageLe lendemain, après la messe solennelle, la  » barque « , avec à bord les statues des deux autres Maries, est portée à la mer, accompagnée par la foule de pèlerins Gitans et non-Gitans, par les Gardians à cheval et les Arlésiennes en costume. Les porteurs avancent en mer, pour bien symboliser l’arrivée des Saintes Maries Jacobé, Salomé et de la Foi, par la mer. L’Evêque, à bord d’une barque traditionnelle de pêcheurs, bénit la mer, le pays, les pèlerins et les Gitans. La Procession revient alors vers l’Eglise dans la joie et les acclamations, accompagnée des instruments de musique et du carillon des cloches. L’après-midi, dans la prière et la ferveur populaire, se déroule à l’Eglise la cérémonie de la remontée des Châsses à la  » Chapelle Haute « . Durant les deux jours, offices et veillées se succèdent dans l’Eglise.


Les Gitans, qui sont-ils ?

Huit ou dix mille gens du voyage ont envahi le bourg camarguais. Leurs caravanes ne sont pas disposées au hasard. Cette cité éphémère a ses avenues, ses venelles, mais aussi  » ses quartiers  » dont tous les occupants ont comme un air de famille. Le peuple Gitan n’est pas  » Un  » mais divers. Essayons de nous y reconnaître…Si le nom de  » Gitan  » est donné chez nous à l’ensemble des populations d’origine tsigane, il n’appartient légitimement qu’à un seul groupe, de loin le plus nombreux et le plus implanté aux Saintes-Maries-de-la-Mer. L’Espagne fut longtemps leur pays de prédilection : leurs noms de famille en gardent la trace, comme leur dialecte : le  » kâlo « , malheureusement en voie de disparition… Les femmes sont très brunes, les hommes bronzés. Ils se disent soit  » Catalans « , soit  » Andalous « , suivant le lieu de leur principal établissement. On les trouve par dizaines de milliers dans le Midi de la France, où certains sont sédentarisés depuis plusieurs années, voire depuis plusieurs générations. Mais il y a aussi des bidonvilles Gitans, dont la population a décuplé avec l’arrivée de nombre d’entre eux établis en Afrique du Nord. Ce sont les Gitans qui ont donné à l’Espagne le meilleur de l’Art Flamenco, mais aussi des danseurs célèbres (Luisillo, Imperio Argentina, Carmen Amaya, Lola Florès et La Chunga), ainsi que des générations de grands toreros. Et à la France un grand guitariste, Manitas de Plata ou encore un chanteur poète, Leny Escudero. Les Roms sont les plus reconnaissables car leurs femmes continuent à porter les traditionnelles jupes multicolores qui leur tombent jusqu’aux pieds, et, quand elles sont mariées, un foulard noué sur la tête. Les plus riches arborent des colliers de pièces d’or, qui constituent le trésor de la tribu. Beaucoup disent la  » bonne aventure « , tandis que les hommes sont rétameurs, chaudronniers ou doreurs. Ces professions les incitent à résider dans les banlieues industrielles, notamment à Paris, Lyon et Lille. C’est le groupe qui a le plus jalousement préservé son originalité : sa langue (proche du sanskrit), ses traditions, ses légendes. Après avoir traversé l’Europe Centrale, les Roms se sont aujourd’hui répandus dans le monde entier, du Canada à l’Australie et à l’Afrique du Sud.

ImageLes Manouches (et leurs cousins, les Sinti), ne se distinguent guère . Les plus pauvres sont vanniers, et ont conservé les roulottes à chevaux ; les autres sont marchands forains ou récupérateurs de ferraille. Les Manouches ont longtemps séjourné en Allemagne et portent des noms germaniques (comme Django Rheinardt) ; les Sinti conservent la marque de leur passage dans le Piémont (comme la famille Bouglione). Tous ont une véritable passion pour la musique, et c’est parmi eux que se recrutent les virtuoses des célèbres orchestres  » tsiganes « .

Le mystère de Sara la Noire…

ImageConnue dans le monde entier comme la  » Patronne  » des Gitans, Sara pose à l’historiographe une énigme qui ne semble pas prête d’être résolue. Une tradition camarguaise y voit la servante des Saintes Maries Jacobé et Salomé en Palestine, et leur compagne sur les bords du Rhône. Une autre tradition, attribuée aux Gitans, y voit une Gitane qui fut installée sur les rives provençales et qui, la première, accueillit ici même les exilés de Terre Sainte. Mais quel fondement à cette tradition quand l’Histoire ne mentionne la venue des gitans en France et en Provence qu’à partir du 15ème siècle ? D’autres versions ont été également proposées. Il s’agirait de Sara l’Egyptienne, abbesse d’un grand couvent de Libye, fêtée par l’Eglise le 13 Juillet ; ou bien encore d’une Sara qui figurait dans un groupe de martyrs persans avec deux Marie et une Marthe dont les reliques seraient parvenues jusqu’en Gaule. Enfin un texte apocryphe, mais remontant incontestablement au IIème siècle, nous montre une Sara découvrant, avec Marthe et Marie, un tombeau vide, et partant annoncer aux Apôtres la nouvelle de la Résurrection du Christ. En vérité, nul ne sait qui est Sara, ni comment son culte s’instaura aux Saintes-Maries-de-la-Mer, où l’on venait la prier de très loin bien avant la Révolution. Pour les Gitans, qui se reconnurent en elle et l’adoptèrent comme protectrice attitrée, elle est  » Sara-la-Kâli « , un mot tsigane qui signifie à la fois  » gitane  » et  » noire « . La première mention de Sara se trouve dans un texte de Vincent Philippon rédigé vers 1521 :  » La Légende des Saintes Maries  » et dont le manuscrit est à la bibliothèque d’Arles. On l’y voit quêtant à travers la Camargue pour subvenir aux besoins de la petite communauté chrétienne. Cette pratique de la  » chine  » aurait pu, pensent certains auteurs, la faire assimiler par la suite à une Gitane. Les Gitans, eux, ne se posent pas tant de questions. Et ils suivent par milliers, l’étonnante Procession…

Marie-Jacobé et Marie-Salomé, patronnes des Saintes-Maries-de-la-Mer

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Les traditionnelles Arlésiennes
Par quel mystère ces deux Saintes se trouvent-elles sur le rivage méditerranéen ? Le Bréviaire du Diocèse d’Aix-en-Provence nous renseigne : « Chassés par la persécution de Palestine, de nombreux disciples du Christ ont été exilés et ont porté la Foi chrétienne dans notre région. » Avec Marie-Madeleine, Lazare, Maximin et beaucoup d’autres, Marie-Jacobé et Marie-Salomé furent donc arrêtées et embarquées sur un navire, puis, à proximité des côtes, abandonnées sur un rafiot sans voile ni rames. Guidées par la Providence elles abordèrent le rivage provençal. Et tandis que les disciples partaient évangéliser au loin, les Saintes Maries Jacobé et Salomé, femmes d’âge mûr puisque mères d’Apôtres, demeuraient sur ce rivage qui porte désormais leur nom. Elles auraient évangélisé les gens du pays et les Romains qui occupaient la région.

L’église des Saintes-Maries est une véritable forteresse

ImageElle a été conçue pour la défense : au Moyen Age, les raids des Corsaires Sarrasins n’étaient pas rares sur cette côte déserte, sans aucune protection et loin de toute grande ville. Quand les pillards apparaissaient à l’horizon (l’église est visible à 10 km à la ronde !), la population se réfugiait tout entière dans l’Eglise. Les hommes veillaient aux créneaux et sur le chemin de ronde. Dans la nef, les prières devaient être ferventes. Et, grâce aux farines et poissons séchés que les gens avaient pu emporter et à l’eau douce puisée dans le sous-sol de l’église, les assiégés pouvaient attendre patiemment le départ des barbaresques. Quand ceux-ci avaient repris la mer avec leur butin, on relevait les ruines du village. A l’extérieur l’impression est imposante, mais la masse n’a point de lourdeurs : créneaux, chemin de ronde, contreforts parallèles, finesse de la fenêtre du chevet, pierres roses et dorées forment un ensemble unique, chef d’œuvre de l’art roman provençal du 12ème siècle. A l’intérieur on trouve une seule nef. Aucune chapelle latérale, pas de sacristie, peu d’ouvertures et une voûte en berceau brisé. L’épaisseur des murs est considérable. Sobriété dans la nef, mais beaucoup d’élégance dans le chœur. Au-dessous du maître-autel s’ouvre une crypte, où, selon la tradition, se trouvait l’habitation des Saintes Maries. C’est au Roi René, Comte de Provence, que nous devons la crypte dans sa forme actuelle : en 1448, il ordonna de faire des fouilles sous le chœur de l’Eglise et l’on retrouva les reliques des Saintes. La Chapelle Haute ne se visite pas. Située sous le clocher, dans l’ancienne salle du corps de garde, et dédiée à Saint Michel Archange, elle sert de reliquaire pour les précieux ossements des Saintes Maries. Son retable du 16ème siècle et ses boiseries du 18ème siècle attendent une restauration. Frédéric Mistral a placé la dernière scène de  » Mireille  » dans la Chapelle Haute : frappée par le soleil, la pauvre fiancée vient expirer devant les Saintes, à qui elle venait demander de lui rendre Vincent… Internet : http://www.saintesmaries.com