TURQUIE : LA CAPPADOCE, PATRIMOINE DE L’HUMANITE

La Cappadoce (en Turc Kapadokya) se situe à l’est de la péninsule d’Anatolie (Asie Mineure). Depuis 1985, l’Unesco l’a inscrite au Patrimoine de l’Humanité.  Il y a longtemps que nous souhaitions visiter cette région qui offre tant de paysages uniques ciselés par les siècles qui passent… Nous voici immergés dans la carte postale : bienvenue en Cappadoce !

L’histoire remonte à loin : au 2ème millénaire avant J.C. la Cappadoce fait partie de l’empire des Hittites que les Egyptiens appelaient « Peuples de la mer »… Mais sous la domination romaine, la région s’hellénise et se christianise : vers 58 après J.C Saint Paul y fait trois voyages et dans la seconde moitié du 4ème siècle, Basile, évêque de Césarée y implante de nombreuses communautés monastiques…

Cependant, vers le 9ème siècle, les raids arabes harcèlent la Cappadoce et c’est là que l’on voit apparaître ces villes souterraines défensives avec greniers, étables, citernes, bassins, églises, habitations… Une période de sécheresse au 16ème siècle fait tarir la plupart des sources souterraines et oblige les chrétiens à quitter les lieux : beaucoup de Cappadociens passent à l’islam et à la langue turque pour ne plus avoir à payer les impôts infligés aux non-musulmans ! Au 18ème siècle, les derniers ermitages troglodytes sont abandonnés. Le traité de Lausanne en 1923 expulse définitivement les Cappadociens chrétiens vers la Grèce tandis que les musulmans de Grèce sont rapatriés vers la Turquie…

Un panorama unique au monde

Nous avons fait le choix d’acheter un séjour T.O « bon marché » au départ de Paris dont le vol low cost nous pose directement à Antalya. De là, nous allons faire un circuit en car sur toute la Cappadoce.

Le panorama de Cappadoce est le fruit d’une formation géologique unique au monde :  Les volcans entrèrent en éruption il y a 2 millions d’années et au fil des millénaires les strates se superposèrent… Aujourd’hui, l’érosion continue !

Premier arrêt en quittant Antalya : La mosquée de Manavgat « Merkez Külliye Cami ». Construite en 2004, à 4 minaret de 60 mètres de haut, elle est la réplique de la Mosquée Bleue d’Istanbul (mosquée impériale ottomane) qui possède 6 minarets. C’est la plus grande mosquée de la région pouvant accueillir 400 personnes.. Des carreaux de faïence avec la tulipe comme motif ornent l’intérieur aux riches tapis. Comme le précise notre guide : la tulipe vient de Perse, pas de Hollande ! Fallait le savoir…

Balade en goélette sur le fleuve Manavgat

Pour notre première balade après la mosquée, et avant d’attaquer la chaîne de montagnes Taurus qui grimpe vers la Cappadoce, nous profitons d’une mini-croisière à bord d’une goélette.

Les rives du fleuve sont le repaire de divers oiseaux qui ont tendance à jouer avec les embarcations pour quémander leur nourriture ! Canards, oies, mouettes… tout cela dans un tintamarre de cris stridents… Le fleuve débouche sur la Méditerranée, prétexte à faire trempette pour les moins frileux… Nous sommes tout de même en novembre !

Konya, carrefour des routes de la soie et le musée des Derviches

Ville industrielle et universitaire, Konya fut – pendant de nombreux siècles – le carrefour des routes de la soie. Elle est traditionnellement connue pour ses tapis à motifs de maisons et sa pizza « etliekmek »  longue d’un mètre ! Les géologues disent qu’il y avait là un lac, il  y a 18.000 ans. On dit aussi que Marco Polo y fit escale dans ses voyages…

Les sépultures des Derviches : on a laissé les chapeaux au-dessus !

On visite, dans la mosquée d’Ala ad-Dîn le mausolée dynastique où sont enterrés huit sultans et le mausolée de « Mevlana » (« notre maître »), un mystique persan soufi fondateur de l’ordre des Derviches Tourneurs. Cet ordre de musulmans a été créé par le fils du grand poète et mystique persan Jalal al-Din Roumi à Konya au 13ème siècle. Ses membres sont appelés « Derviches Tourneurs » en référence à leur danse appelée « samā », dont les mouvements rappellent ceux d’une toupie.

Assister à la transe des Derviches…

Les derviches tourneurs tournent sur eux mêmes pour imiter la rotation des astres au son d’une musique mystique et lancinante.

La science moderne confirme que la condition essentielle de l’existence est de tourner car tout tourne dans l’univers ! Le Derviche s’inscrit donc dans cette logique et la cérémonie symbolise une ascension spirituelle, un voyage mystique de l’être humain vers le « Parfait ». Le Derviche est coiffé d’un haut bonnet de feutre (symbolisant la pierre tombale de son ego), revêtu d’une robe blanche (linceul de son ego) et lorsqu’il retire son manteau noir, il naît spirituellement à la vérité ! En tournant il sert avec amour toutes les créatures sans distinction de races ou de croyances. L’état d’extase mystique dans laquelle sa valse folle l’emporte s’appelle le « Fenafillah » que l’on peut comparer au nirvana des Bouddhistes. L’origine de cette manifestation reste inconnue cependant l’islam orthodoxe ne les reconnait pas. Ce spectacle, qui n’en est pas un, est finalement plutôt soporifique pour des non-initiés athées… Juste une expérience !

Le caravanserail Sultanhani

Toujours sur la route de la Cappadoce, entre Konya et Aksaray, voici le Caravanserail Sultanhani utilisé pendant de nombreux siècles (Il fut construit en 1229) par les marchands nomades qui traçaient la route !

C’était alors le plus grand de Turquie avec son imposant portail de marbre. Bien restauré, il sert aujourd’hui  de salle d’exposition avec sa partie couverte pour l’hiver et sa cour d’été. Comment ça marchait ? Les voyageurs ne payaient pas pour les 3 premières nuits d’hébergement ni pour la nourriture. Il n’y avait aucune discrimination ni d’ethnies ni de religions. En revanche, les échanges commerciaux entre les caravaniers étaient taxés par l’état. En contrepartie, les voyageurs jouissaient de la sécurité. Au milieu de la cour intérieure, la petite mosquée s’appelle « Masjid ». Le village est renommé pour ses habiles artisans dans la restauration des tapis. D’ailleurs, lors de notre passage se tenait une belle exposition de tapis de laine ou de soie et l’on pouvait voir le minutieux travail des « restaurateurs » à l’oeuvre !

Le Mont Hassan, avec ses 3253 mètres, se rapproche… Nous arrivons en Cappadoce

Synasos

La Cappadoce se situe entre trois volcans qui forment un triangle : Argée (Erciyes), Argéopolis (Hassan) et Athar (Göllü) actifs il y a 10 millions d’années et qui ont laissé une superposition de strates dans ce paysage unique au monde. Il semble que les dernières éruptions aient eu lieu vers 253 Avant J.C. Côté étymologie, les Perses la nommèrent « Katpatuka » qui signifie « pays des chevaux de race »… mais cette interprétation est douteuse car la région n’est pas connue pour ses chevaux ! On y préfère aujourd’hui  « pays des plaines d’en bas » d’où dérive « Cappadoce ». Les Grecs anciens appelaient les locaux « Syriens clairs ».

Le village de Synasos est devenu Mustapha Pacha (Mustafapaça) après l’exode des Grecs. On y retrouve les belles façades des anciennes maisons grecques. Ceux-ci ayant été chassés en 1923. Ici on a aussi tourné des films et séries TV très populaires en Turquie.

Göreme : un musée à ciel ouvert

Le Parc National de Göreme, dans la Vallée d’Ihlara, avec ses sites rupestres a été ajouté à la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco. La balade au coeur des formations rocheuses et cheminées de fées est exceptionnelle.

Parmi les sites historiques importants de Göreme figurent les églises d’Ortahane, Durmus Kadir, Yusuf Koc et Bezirhane… Ces églises byzantines sont du 3ème au 12ème siècles ainsi qu’un certain nombre de maisons et de pigeonniers  taillés directement dans les formations rocheuses.

Vers la fin du 2ème siècle, la Cappadoce comptait un nombre important de chrétiens Kayseri et Malatya. C’était alors un centre de christianisme vivant. Au 4ème siècle, 3 grands prêtres étaient originaires de Cappadoce : l’évêque de Kayseri, Basile, son frère Grégoire de Nysse et Grégoire de Naziance. Ces trois évêques ont donné naissance aux bases du christianisme.

La Cappadoce est mondialement connue pour ses survols en montgolfière !

(Photo Mehdi Megherbi)

Nous avons trouvé le business vraiment exagéré (250 €/ personne) et avons renoncé à l’expérience… En revanche, nos compagnons de voyage, Maryse Gallois et Mehdi Megherbi qui y ont participé ont bien voulu ajouter leurs clichés à notre reportage : qu’ils en soient ici remerciés ! Plus de 100 ballons s’envolent chaque matin dans le ciel d’azur de Cappadoce…

(Photo Maryse Gallois)
(Photo Maryse Gallois)

La Tokali Kilise (église de la Boucle) est la plus grande construite au début du 10ème siècle. Ses fresques (indigo et lapis-lazuli) représentent des scènes de la vie de Jésus.

A l’heure du déjeuner, on se laissera tenter par un « Testi Kebab », un délicieux ragout cuit à même la terre !
Les cheminées de fées les mieux protégées de l’érosion conservent leur chapeau de basalte.

Ortahisar : le village sur son éperon rocheux est très photogénique.  On pourra s’y arrêter pour les photos au décor kitsch aménagé pour le tourisme de masse (on y succombera !) mais aussi pour découvrir tous les secrets du café turc élaboré par Mehmet !

La Vallée des Moines, emblème de la Cappadoce

La vallée de Paşabag, appelée aussi vallée des Moines, se trouve à l’entrée de Zelve. Parmi les vignes et les arbres fruitiers s’élèvent les cheminées de fées : les plus petites mesurent à peine un mètre tandis que les plus grandes atteignent quinze mètres. Certaines d’entre elles sont des ermitages cachés creusés par des moines au 10ème siècle d’où l’appellation. Le site est grandiose et les objectifs s’affolent devant tant de beauté ! Les chemins sont bien balisés et l’on peut circuler aisément dans tout ce féérique décor !

Tapis Turcs : le Centre Artisanal d’Avanos

Après toutes ces merveilles naturelles, nous allons nous arrêter sur celles créées par les mains expertes des hommes (et des femmes !). Nous voici au Centre Artisanal d’Avanos où nous reçoit Necmi, le manager au Français impeccable… Et pour cause : il a grandi à Dijon ! Necmi nous explique toute la technique des célèbres tapis de Hereke mondialement connus pour leur qualité de soie. « Nous sommes une association, dit-il, dotée d’un centre d’apprentissage et nous essayons d’aider les femmes. Les tapis les plus serrés, dit-il, comptent plus de 600 noeuds au cm2 !  Il faut 2 mois au mètre carré pour réaliser ce type de tapis mais les ouvrières travaillent 6 heures par jour à cause de la fatigue des yeux. Seules les plus douées accèdent au tissage de la soie ou « Cinar ». Savez-vous comment le tapis Turc a été introduit en Europe, poursuit-il ? C’est Soliman le Magnifique qui en offrit un à François 1er au début du 16ème siècle ! Nous avons un stock de 16.000 tapis au centre ».

 

 

Le musée souterrain de Güray à Avanos

En continuant la route, voici le musée souterrain de Güray à Avanos au bord du fleuve Rouge (1.355 km) le plus long fleuve de Turquie qui se jette dans la Mer Noire. Avec une collection archéologique, des céramiques, des poteries ottomanes et des expos temporaires de peinture contemporaine d’artistes locaux. Ce musée, construit sous terre vaut à lui seul le détour. La dernière salle expose des carreaux de faïence. On y voit aussi les artistes à l’oeuvre !

Un thé chez l’habitant…

Mustapha et Aïcha ont une petite production de thés (enfin plutôt de tisanes) parfumés à la pomme ou à la grenade. On sirote leurs boissons dans un joli jardin orné d’art naïf. L’endroit est charmant et nos hôtes offrent leur sourire et leur gentillesse en partage. Ils sont fiers de montrer aux étrangers leur petit business composé aussi d’huile d’olive, de vinaigre ou de cartes postales !

La Cappadoce se parcourt aussi en randonnée équestre

L’accueil souriant d’Aïcha

Uchusar, l’autre côté de la Cappadocce

Le piton rocheux de Uçhusar se trouve de l’autre côté de la Cappadoce…. C’est là que nous terminerons notre circuit avec la Vallée des Pigeons dont on récupère la fiente pour fertiliser la vigne. A l’heure où le soleil va se coucher, Kizil Cukur sera notre ultime panorama !

La ville souterraine de  Saratli Aziz Mercurius Yeralti Sehri

Sur le chemin de retour vers la Méditerranée, arrêt à la ville souterraine de Saratli : ces constructions sont une originalité de Cappadoce car on en compte plus de 250 déjà connues. En fait c’était des abris pour se préserver des menaces. Elles se situent toujours à côté d’un  village. La plus connue c’est Derinkuyu qui signifie « la plus profonde » avec ses 12 étages !

Celle qui fait l’objet de notre visite a seulement 6 étages… L’entrée était cachée  et il y avait toujours l’écurie devant. On mettait une meule à l’entrée du tunnel. Les villes souterraines étaient reliées entre elles par des tunnels. Aucun historien n’est d’accord sur leur datation. mais ça peut venir des Hittites soit à partir de 17 siècles avant J.C. Le tuf local est à la fois poreux et fragile : ici, des hommes ont creusé à la pioche et à la pelle durant des siècles !

On a trouvé des églises à partir du 3ème siècle Apres J.C. et les premières d’entre-elles furent découvertes il y a seulement une cinquantaine d’années ! Ce labyrinthe devait abriter environ 1500 personnes qui se cachaient de l’envahisseur potentiel.

Notre découverte de Cappadoce s’achève ici ! Nous avons adoré tous ces endroits visités, ces sites protégés à juste titre par l’Unesco… et nous espérons vous avoir fait partager ce plaisir !


Reportage : Texte & Photos Dany Antonetti / Copyright Novembre 2022